CRASH N°34
Summer 2005
Stylist: Armelle Leturcq, Frank Perrin
Illustrator: Lilya Turki
France

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KISS THE FUTURE
FIGURE MARQUANTE DE LA SCENE BELGE, WALTER VAN BEIRENDONCK REVIENT SUR LE DEVANT DE LA SCENE MODE AVEC WEIRD, SA COLLECTION AUTOMNE-HIVER 2oo5-06. PLUS SEREIN" QUE JAMAIS, ENRICHI DES EXPERIENCES DU PASSE, IL SE CONCENTRE SUR SON UNIVERS BIGARRE AUX REFERENCES CULTURELLES FORTES. |
Tu recommences depuis deux saisons à faire des collections, pourquoi as-tu pris une pause ? Le dernier défilé était en 2000 il s'appelait Belief, je me sentais très mal en fait. Il y avait toujours quelqu'un derrière mon dos qui était en train de corriger ce que je faisais. Ça devenait ridicule. Cétait mes financiers. Au début ils n'étaient pas dans l'histoire de la collection, mais ensuite ils ont voulu tirer le maximum de W<. Penses- tu que l'on peut être à la fois créateur et indépendant, est-ce viable ? Quand j'ai commencé en 85, j'étais indépendant. C'était très dur de faire chaque saison une collection, ça coûte vraiment une fortune. Qland l'argent est arrivé, ça m'a donné des ailes. Mais c'est à double tranchant. Je crois que c'est très difficile de combiner créativité et argent. Ce sont deux choses presque contradictoires. Mais il y a des exemples de créateurs indépendants qui ont beaucoup de succès, comme Dries van Noten en Belgique, c'est incroyable. Il est indépendant mais en même temps il était de notre génération le plus accessible et le plus organisé, même à l'école il était déjà comme ça! A ton avis,pourquoi Anvers est-elle un foyer d'artistes, de créateurs ? Parce que c'est agréable d'y vivre, facile d'y trouver des espaces. C'est au milieu de l'Europe, il n'y a pas le stress de Paris mais c'est tellement proche. Chaque année quatre ou cinq créateurs sortent de l'Académie. C'est vraiment plein de stylistes à Anvers! Il n'y a que ça ! Des peintres également. Dans ma boutique, nous organisons des expositions d'artistes émergents. Mais en même temps, Anvers est surtout un endroit où les gens travaillent. Dans les autres villes, j'ai toujours l'impression que les gens ne font que de la représentation. Ici chaque personne peut suivre sa propre direction. Que penses-tu de la scène en ce moment, à Anvers ? Y a t-il une génération "après Branquinho, après Raf Simons"? Oui, les plus récents sont Peter Pilotto, Christian Wijnants, Bruno Pieters, ce sont des créateurs que je diffuse aussi dans ma boutique et que je connais très bien. Il y a eu la première vague des six avec entre autres Martin Margiela, Dries van Noten, Ann Demeulemeester et moi-même, la deuxième avec Raf Simons, Véronique Branquinho et maintenant la troisième. C'est aussi très agréable de voir que tout le monde est très fidèle à son style et qu'il y a beaucoup de gens ambitieux qui vont sortir de l'école. Anvers est un petit peu le laboratoire, le« studio» de l'Europe. Qu'est-ce qui t'inspire le plus dans monde actuel pour prendre du recul ? La nature, et j'ai une relation depuis 25 ans qui compte beaucoup dans mon équilibre. J'habite à la campagne et surtout je lis beaucoup de livres. Je suis extrêmement inspiré par les tribus ethniques, j'essaye de savoir le maximum de choses sur ce sujet. J'essaye aussi à chaque saison de faire une recherche sur des questions que je ne connais pas encore, j'essaye de tout savoir, d'avoir le maximum d'informations. Comment vois-tu le futur de la mode ? Pour moi le plus important est d'avoir la possibilité de réaliser ma collection chaque saison, de la produire et de la vendre. Je me sens très bien avec des collections assez petites. Une collection simple qui raconte une histoire. Je ne vis pas de ma mode mais je ne veux pas que ça devienne un hobby. Je me suis aussi arrêté car je n'avais plus la possibilité de créer moi-même, à un certain moment, quand j'étais en train de faire cinq collections: enfants, chaussures etc., il y avait toute une équipe, il fallait faire des briefings. Maintenant que j'ai recommencé je dessine tout moi-même, je sélectionne les tissus, je décide des couleurs, c'est beaucoup de travail mais j'aime ça. Ton travail est très inspiré par l'utopie, le futur. Est-ce que tu crois en l'utopie ou en une utopie quelconque ? Oui, très fort. Pour moi c'est très important de croire et d'avoir une vision à long terme, d'avoir des perspectives, de savoir que des choses vont se passer à un certain moment, même des petites choses. Je connais tout le processus de la mode, je donne des cours, j'ai une boutique. Avec toutes ces contraintes ce n'est pas évident de prendre la décision de retourner à la mode. Mais c'est parce que j'y crois, c'est très important, c'est plus fort que moi. A chaque fois tes collections ont une idée forte. Oui, il y a toujours une histoire. J'essaye de penser un concept pour donner une certaine direction. Je déteste parler des couleurs, des tissus etc., je préfère parler de l'histoire autour de la collection. Pour moi c'est important pour mettre en marche mon imagination. Les vêtements, ça n'est pas suffisant, j'ai besoin de certaines choses autour pour les mettre plus en valeur et aussi pour m'éloigner de la mode. C'est un peu comme une méthode. Depuis la première collection, je donne à chaque collection un nom qui donne l'esprit de la collection. Que te dirais-tu à toi-même il y a dix avec l'expérience que tu as maintenant ? D'avoir plus de distance. J'étais tellement dedans, qu'à un moment, quand je faisais des défilés, j'étais pris à 100 %. C'est nécessaire d'avoir plus de recul, et d'avoir la possibilité de voir la mode comme un travail, pas comme quelque chose qui vous mange. C'est juste de la mode, c'est ce que je fais. Quelle est ta fierté la plus secrète ? Je suis très fier d'avoir toujours fait ce que je voulais faire et de n'avoir jamais mis d'eau dans mon vin. Je suis très direct, et c'est pas évident dans la mode, j'ai ma propre vision. |
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